Un lundi pas comme les autres. Une balade d'été dans la nature, sur un territoire en bord du canal des Vosges.
Le territoire est un système de signes qui renvoie à des significations que l’on peut interpréter. L’aspect du renvoi, justement, est qualifiant et il est évidence de vitalité. Chaque lieu renvoie à d’autres lieux et n’existe, ou ne consiste, que dans ce renvoi.
Dès les premières visites, je ne comprends pas bien ce territoire, mais il m’aime déjà autant que je l'aime pour des riens que personne d'autre n'aura vus, et auxquels j’attache déjà la plus grande importance.
Des roses parties à l'assaut des façades,
Un arbre au tronc droit, sombre, dont l'écorce s'effiloche,
Des buissons qui poussent de travers, au sommet duquel un nid ancien reste accroché,
Un chat qui détale et disparaît en moins de deux,
Une nuée d’oiseaux qui s'envole dans un froufroutement d'ailes et se perche sur le rebord du toit pour observer les intrus…
Plus je reste là à regarder et plus je vois ce que je n’avais pas encore vu. Plus j’avance et plus je vois ce site inconnu et déjà presque familier.
Je me promène souvent sur ce territoire, entre eau et nature. Je saisis les points de vue où l’image est imprenable, j’appréhende la scène comme expérience, les maisons comme support d’un travail de mémoire.
Je photographie pour réhabiliter l’anecdote. Parfois, les images montrent un homme assis, immuable comme une sculpture, d’autres fois je me pose au cœur de cette étendue et regarde se renouveler les images sur la toile du grand écran au loin…
J'observe les logiques de fabrication du territoire.
Ce territoire m’apparaît comme indépendant, avec son propre langage, sa propre autonomie par rapport au reste de la ville.
Je vois les habitants dialoguer. Ils racontent tous une histoire. Celle qu'ils ont dans leur tête. Et chacun, chacune la lit avec ce qu'il a dans sa propre histoire.
Une femme passe, je la regarde. Le visage éclairé d’un ravissement infini, elle me salue. Je la salue.
Je n’entends aucun bruit ; je suis comme sur une île.